Oser un discernement

Publié le par Catechese Autun

Catéchuménat diocésain

Formation « Oser un discernement »

samedi 10 octobre 2009



Le catéchumène que vous accompagnez est-il prêt à franchir une étape ?
Le 10 octobre 2009, une douzaine d'accompagnateurs de catéchumènes se sont retrouvés à Chalon se "mettre au clair" par rapport au discernement . Certains accompagnaient des candidats au baptême depuis un ou deux ans . Etaient-ils prêts à poursuivre leur chemin et à vivre pleinement en chrétien ?


 Intervention de Madame Dominique Vailler, responsable du catéchuménat de la zone de Mâcon


 

 Discerner c’est quoi ?

 

Si on prend la définition du Petit Robert, on trouve :

Discerner : 1- percevoir (un objet) par rapport à ce qui l’entoure → distinguer, identifier, reconnaître. Discerner la présence de quelqu’un dans l’ombre. Mal discerner les couleurs.

2- se rendre compte de la nature, de la valeur de (qqch); faire distinction entre (des choses mêlées) → distinguer je discernais de l’ironie dans son regard. Discerner le vrai du fauxdémêler.

 

Discerner  ça commence donc d’abord  par regarder pour voir distinctement,  de façon à pouvoir trier en séparant …(ex des lentilles et des cailloux…) Dans nos vies au quotidien, nous faisons des choix,  donc nous trions, nous  essayons de discerner l’essentiel de l’accessoire, l’urgence et le long terme…  nous nous donnons des priorités …Nos existences ne se conduisent pas sans un minimum de repères : nous sommes en permanence appelés à discerner, que ce soit  d’un point de vue personnel ou social, si nous ne voulons pas  vivre comme des girouettes désorientées, (ex des jeunes parents qui viennent demander le baptême et évoquent de plus en plus un besoin de repères à donner à leurs enfants, avec cette attente que l’Eglise les aide  dans cette transmission de repères pour qu’ils puissent mieux conduire leur vie, distinguer le bien du mal…), ou si nous ne voulons pas être sous la constante influence des autres, de la société…(ex d’une jeune fille qui demande à préparer son baptême pour s’occuper de sa vie intérieure et résister au matérialisme  ambiant…)Si les chrétiens sont ainsi sollicités  pour donner des repères, d’où tiennent-ils ces « compétences » reconnues dans ce difficile exercice du discernement ?  

 

Discerner dans la vie chrétienne   

 

Dès l’ancien testament, la Parole  de Dieu crée en distinguant sépare les ténèbres  de la Lumière…

La Parole de Dieu adressée à Moïse donne des repères à travers la loi,  Loi qui est donnée à l’homme comme un moyen de choisir la Vie.

Parole de Dieu à travers les prophètes,  qui mettent en lumière les comportements des hommes quand ceux-ci  trahissent l’Alliance…

Cette Parole de Dieu  qui invite l’homme à s’ajuster à son créateur, « elle est  tout près de toi, dans ta bouche dans ton cœur.. » nous dit le Deutéronome : il y a donc à apprendre à écouter à l’intime de soi. C’est ainsi que le Christ, Verbe de Dieu, va incarner la Parole dans toute son  existence  : il commence par  vivre 40 jours au désert avant de démarrer sa mission, en s’appuyant sur la Parole de Dieu dans l’Ecriture pour répondre à l’adversaire,  et  si on suit chez Marc son itinéraire, on voit en permanence Jésus se mettre à l’écart pour prier,  avant ou après  les moments clés (après la journée à Capharnaüm,  la multiplication des pains,  avant de monter à Jérusalem,  et enfin au moment d’affronter la Passion…), afin de discerner la volonté de son Père et d’orienter  ainsi ses décisions…Et c’est par l’Esprit qu’il remet au Père pour le transmettre à ses disciples, que ceux-ci  vont être éclairés sur  leur propre mission.

 

Si être chrétien c’est être configuré au Christ par le baptême, tout baptisé est appelé  à la suite  du Christ, à discerner : Le critère dépasse donc largement  le cadre d’une morale (bien /mal), d’ un code de bonne conduite  bien balisé, mais se réfère plutôt à  la manière de vivre de l’Evangile, « l’allure évangélique »:

- quand le  Christ  parle de discerner le  royaume,  il parle de germination, de croissance, de vie en abondance, de joie  

- quand il réalise  ce royaume par  sa vie, ses actes, il guérit, pardonne,  redonne la dignité, la confiance, remet debout !

Il s’agit donc, pour pouvoir  discerner  au quotidien dans ce qui nous habite, ce qui relève de l’Esprit, d’entrer toujours davantage  dans un compagnonnage  avec le Christ ; à travers  la fréquentation de la Parole , la prière,  mais  aussi l’apport des différentes traditions :  on sait  par exemple que le discernement est  depuis longtemps un élément  central dans la tradition Ignatienne : extrait de "Mener sa vie selon l’Esprit" (revue Vie Chrétienne) «Quelles inspirations  guident nos vies, viennent-elles de Dieu… ?Pour voir clair  en nous-mêmes, il s’agit alors de s’exercer au "discernement" des mouvements spirituels, non pas pour se complaire  dans un travail d’analyse psychologique, mais pour se soumettre avec confiance et intelligence à l’action de Dieu qui vient séparer en nous la lumière des ténèbres.»

 

Discerner  au  Catéchuménat

 

Le  discernement fait partie de la vie chrétienne, chaque  baptisé discernant  dans sa propre vie  pour qu’elle   devienne de plus en plus  une vie  de disciple du Christ : il est donc très important d’intégrer le discernement dans l’accompagnement des catéchumènes qui veulent devenir chrétiens !

 

 Le temps du Catéchuménat est le temps nécessaire pour reconnaître l’appel de Dieu, pour éclairer la réponse des catéchumènes, pour qu’ils osent leur propre parole de foi  en liberté. Ce temps de catéchèse et de  maturation est  nécessaire à cette liberté, il en est même la garantie ; St Augustin disait " la volonté de l’homme n’est vraiment libre que si elle a été libérée" : c’est précisément ce qui est entrepris dans le temps du Catéchuménat au cours duquel doit s’opérer naturellement le  discernement pour parvenir au temps de la « libre réponse de  l’homme » Cela implique donc une durée,  pour  permettre  que les découvertes  faites par les catéchumènes  se traduisent dans leur vie :  tout  un chemin de conversion …

 

Les accompagnateurs ne sont  donc pas là  pour soumettre à un examen de passage ou pour éprouver la solidité ou la pureté du désir des Catéchumènes ! Il s’agit plutôt de repérer la volonté de Dieu sur une personne à un moment précis ; de mettre en lumière les éléments d’un parcours de foi et de conversion :

Où en est telle personne de sa découverte de Dieu ?

Quelle relation entretient-elle avec Jésus-Christ ? A-t-elle commencé à vivre selon l’Evangile ?

Quels liens se sont tissés avec une communauté chrétienne concrète ?

Que reste-t-il à découvrir ? Où sont les blocages ?

 Est-ce le moment de célébrer une étape sur le chemin catéchuménal ?

(On n’a peut-être pas parlé explicitement de discernement avant l’Entrée en Eglise des catéchumènes que vous accompagnez, mais il y a bien eu une décision prise à partir de ce que vous avez ressenti, constaté du désir réel  de  devenir Chrétien (ne) chez  lui ou chez elle…)

 

Pour l’étape importante de l’Appel décisif, il s’agit de reconnaître le don que Dieu nous fait en choisissant et appelant ces personnes à entrer dans son Alliance. Il y a alors 3 aspects importants :

 

 ● C’est le moment où les catéchumènes  doivent comprendre qu’ils suivent  un passage à une vie autre, une vie en Jésus-Christ, librement. Cela engage leur avenir.

● L’Eglise signifie par cette étape que c’est Dieu lui-même qui appelle les catéchumènes à vivre une alliance avec Lui.

● Les accompagnateurs témoignent, lors de l’Appel décisif, non pas du degré de foi des catéchumènes, mais du chemin parcouru  ensemble.

 Dans ce chemin, il y a la perception indispensable que l’appel de Dieu n’est pas seulement personnel mais  aussi communautaire. L’appel n’est pas réservé aux catéchumènes, c’est la relation habituelle, normale entre Dieu et l’homme (c’est pourquoi l’Appel décisif est célébré au début du Carême, qui est  un appel à la conversion pour l’ensemble des chrétiens : il ne peut y avoir d’un côté  ceux qui se préparent au baptême et de l’autre le groupe qui aurait déjà répondu une fois pour toute…)

 

Les accompagnateurs ont donc la responsabilité de témoigner après discernement, du chemin parcouru  

Cela implique qu’ils aient pris l’habitude  de  noter sur un  carnet de bord , ce qui se passe  à chaque rencontre et entre les rencontres :  découvertes, questions , réflexions des catéchumènes (c’est important de noter  dans  l’instant ou très rapidement après la rencontre,  pour éviter d’oublier  les termes mêmes qu’il  utilise ou de les transformer) , mais aussi    des expressions,  attitudes qui  peuvent évoluer dans le temps (exemple d’une jeune fille qui s’est épanouie, « redressée » au sens physique du terme, pendant son cheminement, ou telle autre qui  ose prendre la parole d’elle-même alors qu’avant il fallait la solliciter…)

 

Tout cela permet ensuite de relire le chemin à  plusieurs (on ne discerne pas tout seul, il n’y a pas qu’une façon de voir ou de sentir les choses…),  pour percevoir les signes de conversion, de l’action de l’Esprit Saint dans le cœur du catéchumène.

 

  Discerner n’est  donc pas juger,  mais témoigner d’un regard porté ensemble ; pour aider à ce regard, à ce travail de   relecture en vue d’un discernement, on peut souligner plusieurs points d’attention :

 

● Il arrive un moment où le catéchumène utilise  fréquemment les expressions: « avant…maintenant », il veut dire par là qu’il a changé sa manière de voir.

● Le catéchumène arrive à une expression de foi personnelle, même si elle est incomplète !

● Il dit son désir de continuer le chemin, même s’il ne sait pas où cela doit le mener…

● Il reconnaît l’importance d’une vie avec d’autres chrétiens.

 

C’est toute l’équipe d’accompagnement qui doit en vérité, effectuer ce discernement sous la responsabilité de l’Evêque. (cf guide du  Rituel : si le discernement qui a été préalable  à l’Entrée  en Catéchuménat est de l’ordre de l’appréciation, celui qui précède l’Appel décisif  nécessite une délibération, et c’est à l’Evêque qu’il appartient  de fixer la durée et de veiller au déroulement du Catéchuménat )

Concrètement, pour chaque catéchumène concerné, l’équipe  d’accompagnateurs  va  se réunir   avec le représentant local  de l’équipe diocésaine, afin  d’effectuer un discernement  en vue de l’Appel décisif.

La délibération  pour tous les  catéchumènes du diocèse, se fera  ensuite au cours  d’une  rencontre de l’Equipe Diocésaine où l’Evêque est présent, à partir de ces témoignages rédigés par les différentes équipes  d’accompagnement. Cette rencontre a lieu généralement au mois de décembre, et le ou la responsable diocésain(e)  envoie  ensuite un courrier  à chaque catéchumène « appelé », lui confirmant la date de l’appel décisif, et lui donnant des indications pour écrire sa lettre  de demande de Baptême à l’Evêque.

 
Pourquoi avoir donné pour titre à cette formation « Oser un discernement » ?

 

Il pourrait paraître prétentieux de vouloir discerner, on  entend souvent les accompagnateurs dire :

 « Qui suis-je pour  prétendre  juger ? »…

 

« Qui suis-je… ? » : Nos limites, notre péché ne nous empêchent  pas d’être envoyés en mission…les apôtres étaient des pécheurs (pensons à Pierre   qui a 3 fois renié le Christ, aux disciples qui ont fui, à Paul qui a persécuté les premiers chrétiens..), et pourtant ils ont été et demeurent les piliers de l’Eglise, ceux qui ont lancé cette immense aventure de la Bonne Nouvelle annoncée jusqu’aux extrémités de la terre !

Ils n’interdisent pas la mission et le discernement, ils ne m’interdisent pas d’accompagner en vérité celui ou celle qui nous a été confié par l’Eglise elle-même pécheresse, et que  le Christ, lui, accompagne dans sa tendresse et dans son infinie miséricorde.

 

« …pour prétendre juger » : se  redire que discerner n’est pas juger,   bien au contraire c’est aimer… mais aimer en vérité, c’est-à dire en reconnaissant la vérité de l’autre, non pas en essayant de ne pas le voir  tel qu’il est. On croit ne pas juger  en ne discernant pas, mais c’est bien souvent précisément  parce qu’on juge  sans le dire son catéchumène, que l’on se tait, que l’on cesse de le regarder. Parfois par peur d’une vérité difficile à affronter, on adopte le  vieux réflexe de la fuite  pour refuser le discernement…

Alors cessons de penser que l’équipe juge, elle pose son regard  sur le catéchumène, elle le regarde en vérité, et c’est dans la lumière de l’Amour et non pas  dans l’aveuglement et la nuit que  se lisent les traces de Dieu.

 

 « Oser », cela évoque  aussi l’audace, le risque de se mettre à l’écoute de l’Esprit : le  travail de discernement est avant  tout œuvre de l’Esprit. Il est possible car fondamentalement c’est le même Esprit  qui parle dans les Ecritures, dans le cœur de la personne  qui désire devenir chrétienne, et dans l’Eglise chargée d’accueillir le nouveau baptisé. Ce va-et-vient permanent entre l’Evangile, la foi de l’Eglise, et l’expression des catéchumènes, représente un exercice d’écoute en stéréo de l’Esprit de Dieu.…

 

 

D’après plusieurs articles de la revue "Chercheurs de Dieu" n°138,  et l’expérience du « terrain »…

Publié dans CATECHUMENAT

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